par Tushin » 17 Juil 2019, 10:38
Il était une fois, sur les flancs d'une des plus hautes montagnes de Dreamland, un petit rêveur qui marchait.
- Bon, je dois être aux trois quarts du chemin ! C'est parfait !
Ce rêveur n'était pas habillé chaudement : juste une cape d'un tissu de basse qualité, un pantalon de jute et un bâton en guise de canne. Ce petit rêveur avançait sur un sentier enneigé qui le guidait dans une forêt sombre. Les arbres cachaient la mince lumière de la lune qui peinait elle-même à traverser le voile nuageux. A mesure qu'il progressait, le vent devenait de plus en plus fort, la neige suivait crescendo les bourrasques, à tel point qu'une tempête s'était lancée.
- Bon... Trois quarts d'heure, c'était peut être optimiste.
Cette obscurité ambiante ne le rassurait pas. Il craignait qu'elle ne cache pire. Une menace qu'il ne saurait gérer. Un fléau s'abattant inexorablement et sans aucune pitié sur quiconque le croisait. Maître de la forêt, du blizzard et de la nature, le petit Turon le craignait plus que tout. Selon lui, si on le croise, on ne peut plus lui échapper. Que l'on grimpe, que l'on nage ou que l'on s'enterre, il sera toujours là. Une sorte de Micheal Myers en sommes.
Happé par ses pensées, le rêveur ne vit pas que la tempête emportait le sentier ainsi que la faible visibilité qui restait. Dès lors, l'environnement ne se composait plus que de l'obscurité totale, le vacarme des arbres se tordant, le vent, qui fouettait la faible cape qu'il portait, et la neige qui aspirait chacun de ses pas hasardeux.
- Et merde... Je suis encore plus dans de beaux draps.
Il décida de se poser au pied d'un arbre afin de reprendre des forces et d'attendre que la tempête se calme. Emmitouflé dans sa cape, il grelottait légèrement. D'un coup le vent tomba, les arbres se turent, la neige se suspendit dans sa chute. Seule, l'obscurité restait.
- Ça se cal... *CRACK*
Un craquement se fit entendre et fit frissonner Turon. Il était là, non loin de lui, cherchant sa proie. Le calme revint. L'obscurité persistait. Elle s'épaississait encore même ! On aurait dit un voile d'encre noir de jais. Turon était pétrit d'effrois. Il agrippait du mieux qu'il pouvait le base de l'arbre. S'il avait pu le devenir, il l'aurait fait sur le champ. Les arbres savent patienter jusqu'à la fin de la nuit se disait-il...
*SHKRAAAAAK*
Dans un fracas destructeur, le tronc juste au-dessus du Turon vola en éclat ! Devant lui se tenait une immense masse munie de deux pattes serties de griffes puissantes. En son centre se distinguaient deux points de lumière rouge sang, caractérisant une violence et une folie meurtrière en toute circonstance. Puis les yeux se dressèrent en même temps que la masse s'éleva, laissant apparaitre une terrible série de dents argentées, aiguisées et parfaitement alignées dans une gueule. Cette gueule s'ouvrit une fois au zénith de cette informité ténébreuse, libérant un immense cri, un hurlement, un déchirement de bestialité pure. Et ainsi reprit la rage de la tempête.
Au pied de la souche restante, on pouvait y trouver un petit homme tout recroquevillé sur lui même, tentant d'être aussi peu visible qu'un flocon de neige au sol. Il ne savait plus comment respirer et, à mesure que la bête hurlait, il battait son record d’apnée. Cette volonté de ne pas être vue était pourtant vaine. Sans crier garde, la créature abattit sa puissante patte sur le rêveur qui partit valser contre un autre arbre non loin de là.
A peine eut-il "atterrit" qu'il vit la chose lui foncer dessus. Traversant un petit halo de lune sur son chemin, il dévoila son apparence.
Un puissant ours, couvert d'un poil ensanglanté avec des tranchoirs en guise de dents et de griffes, des bras tels des battoirs invoquant les tempêtes, et un regard rouge qui vous tue si vous le croisez. Cette vision cauchemardesque fonçait sur lui et vint lui placer un nouveau coup de patte sur le coté, broyant l'arbre ayant récupéré sa précédente chute au passage, et l'envoyant sur un nouvel amortisseur à écorces.
Turon était abattu, couvert d'échardes, de griffures, crachant ce qui lui reste dans son estomac mélangé à du sang. Malgré son état, il était avant tout terrifié jusqu'au plus profond de ses os. Cette abomination qu'il a toujours redouté était là et elle ne comptait pas s'en aller.
- Je suis mort.
Il avait à peine eu le temps de balbutier cette phrase que l'ours enragé venait de l'envoyer valdinguer vers de nouveaux horizons. Étrangement, pas d'arbre pour l'arrêter. Il s'écrasa à l'orée de la forêt, au rebord d'un précipice. Étalé au sol, juste avec une cape en lambeaux et son pantalon, il releva sa tête vers la forêt. Il la voyait. Arrivant, lentement, doucement, tel un tueur fou allant donner le coup de grâce à sa proie. Turon soufflait respirait fortement à mesure que la bête avançait. Il était à bout, ne sachant pas comment réagir. Comment lutter contre une telle force ?! Cette chose vous détruirais dans tous les cas !
Ca y est, la créature était au niveau du rêveur. Le museau envoyait des souffles d'air sur le demi cadavre. Turon semblait agoniser.
/Mais pourquoi... Je voulais juste rentrer au chaud moi... J'ai même pas de quoi me défendre.../
La créature se redressa et leva une patte. Elle allait donner le coup de grâce. Pour Turon, c'était la libération. Afin de ne pas perdre la face, il se retourna sur le dos, histoire de voir son assassin dans les yeux. D'un coup sec et violent, la patte pleine de griffe s'écrasa dans le ventre du rêveur qui poussa un cri de douleur. Le griffoire se redressa mais il semblait manquer quelque chose... Turon regarda son ventre, au milieu du sang, il y avait une griffe intacte, plantée et droite. Tel un clou, l'ours vint finir de le planter avec un nouveau coup, ce qui fit carrément convulser Turon.
/Merde... J'y arrive pas... C'est trop dur... Je... Je suis qu'une merde... J'ai même pas d'instinct de survie.... Je.../
Le cadavre était là, ensanglanté devant l'immense bête. Cette dernière décida dans finir une bonne fois pour toute en allant croquer la tête. Cependant, au moment ou les crocs allaient percer la chair, un claquement dans l'air se fit entendre ! Le corps de Turon se raidit complètement, l'air autour devint subitement chaud. La bête referma d'un coup sa mâchoire mais elle ne croqua rien. Un peu plus loin derrière elle, une masse monstrueuse semblait se baffrer. L'ours se retourna, c'était Turon, les yeux blanc, tenant une sorte de bout de viande rouge dans sa main et sa bouche aux dents pointues. Il poussa un hurlement bestial qui paralysa l'ours, montra ce qu'il avait dans sa main et pointa de l'autre, avec une sorte griffe argentée, le buste de l'ours. La bête, nageant dans l'incompréhension, regarda son buste et ne trouva qu'un simple trou. Elle comprit. Par réflexe, elle se jeta sur Turon qui en guise de réponse croqua un bout du cœur. La bête ne put faire que 5 pas avant de s’effondrer. Le rêveur lança un dernier cri bestial, se jeta sur le cadavre du monstre et arracha se pattes, ses dents, ses yeux. Puis les "enfila" en quelques sortes. Il avança sur le bords du précipice, scrutant l'horizon.
Il avait tué son chasseur. Il était devenu le chasseur.