Dreamland Reborn

/Comme c'est curieux.../

* "Mein herz brennt " résonne à travers le paysage. La musique provient d'un petit poste de radio rouge qui ressemble à s'y méprendre aux jouets Fischer Price que Kanaën a connus dans son enfance. A côté du poste, un vieil homme ratatiné écoute, impassible, une mélodie probablement inconcevable pour la génération de ses oreilles.*



-Bonjour...

*Le vieux monsieur ouvre un oeil et incline légèrement la tête. La jeune fille prend ça pour une réponse à son salut.*

/Il collerait parfaitement avec le perso d'un vieux maître moine de jeu de rôle.../

-Dites, comment se fait-il que vous écoutiez la même chose que moi juste avant que je m'endorme ?

*Le vieillard pose une main sur l'appareil.*

#Ce n'est qu'un vieil aspirason... Oh, il est passé de mode depuis longtemps ; le royaume a maintenant des artefacts bien plus "branchés", mais cette vieille chose a comblé plus d'une fois ma solitude, vois-tu jeune fille je m'y suis attaché... L'aspirason capte la musique qui tourne dans la tête des créatures du monde réel lorsqu'elles s'endorment. Selon la fréquence sur laquelle je place le curseur...#

*Il tourne une molette et Rammstein devient Ray Charles.*

#Je peux changer de canal de rêve. Ah, quelle belle invention que la musique...#

/Sympa comme concept !/

-Je suis bien d'accord avec vous, grand-père... Est-ce que je peux profiter de votre musique ? J'attends des amis...

#Un peu de compagnie n'est jamais de refus, jeune fille...#

*Kanaën remercie le vieil homme. Est-ce qu'elle va avoir droit à un début de nuit peinard, pour une fois ?*

J'éteignis mon pc avec encore en tête la mélodie entêtante et entraînante de White Rabbit. J'étais allée voir le film Sucker Punch avec mes meilleurs amis. Cela devait remonter à dix jours et depuis, j'écoutais en boucle la BO. Et j'appréciais tout particulièrement "White Rabbit" qui avait pour thème Alice aux Pays des Merveilles. Je plongeais petit à petit dans les profondeurs du sommeil. Et plus je m'enfonçais dans l'état léthargique si caractéristique du sommeil, la musique que je croyais entendre devenait de plus en plus audible et présente.

J'ouvris les yeux et me retrouvais dans un endroit bizarre. Vous savez, il y a toujours une musique de fond dans les séries et les films. Sans ça, ce serait moins classe. Ben en vrai, -enfin "en vrai", je me comprends- ça me donnait l'impression d'être dans une comédie musicale sans acteurs, sans public, juste moi. Bref, c'était moyen. Attendez que je regarde mes vêtements pour la nuit.

Ok. Manteau en cuir à capuche, spalière en métal, façon Sweet Pea dans le film Sucker Punch. Bon, j'avais les cuissardes mais au moins ce n'était pas les bottines à talons. Je pourrais encore courir pour sauver ma life, et je n'avais pas hérité du costume tendancieux d'écolière japonaise de Babydoll. Par réflexe, je regardais l'intérieur de mon avant-bras. Des épées croisées décomptaient le reste de nuits avant qu'Angela ne soit d'aplomb.



Je soupirais en me souvenant à quel point cela avait été juste, cette fameuse nuit où j'ai failli y rester pour de bon. Et tout ça pour quoi déjà ? Bah, ça n'avait plus tellement d'importance. Je m'étais efforcée de penser à Kana, Pix et Néra. C'était pas très futé de penser à tous les trois, étant donné que rien ne me garantissait que j'en rejoigne un seul. Je suppose que je devais être dans le royaume du son. J'en avais vaguement entendu parler.

Du genre, où que tu ailles tu avais de la musique. J'étais à Disneyland ou quoi ? Et puis pourquoi j'entendais toujours la voix de Emiliana Torrini ? Je me retournais et voyais des fleurs qui chantaient. Des fleurs qui chantent ? Mon Dieu, où est-ce que j'avais atterri ? Ah mais ouais non, elles chantaient du... du Metallica ? Nothing Else Matters... impressionnant.

Bon, c'est pas tout ça mais j'allais pas passer ma nuit ici quand même. Je me mettais en quête de... ? Ben, euh. Je vous le dirais lorsque je trouverai. Hm, du Ray Charles ? Intéressant.

-Georgia on my miiiiiind...

44

J'entendis des bourdonnements. Je me retournais et vis des guêpes venir à ma rencontre, elles m'inspectèrent sous toutes les coutures avant de retourner à leur seigneur et maître. Que j'attendis en chantonnant "A la Volette", et qui me fit un câlin à m'en péter les côtes. Il me demande si je vais bien, si je n'ai rien de grave. La routine habituelle quoi. Il m'invite à marcher, apparemment elles ont trouvé Kana.

Je soupire en regardant vers le bas.

-Ben, comme tu peux le constater, je suis toujours voyageuse, lui dis-je laconiquement.

Même s'il en est fallu de peu...

Pour être tout à fait honnête, je ne tenais pas à reparler de la nuit dernière. Oh, j'étais consciente que je ne pouvais gagner, mais même... j'avais été blessé dans mon amour propre. C'est dingue comme la fierté peut dicter notre conduite.

Je me passais machinalement une main sur le flanc, là où ma propre épée m'avait embroché comme une saucisse apéritif sur un cure-dent. Je sentais encore la douleur fulgurante me transpercer, et sa main sur ma gorge... Je retins un frisson. Il s'en était vraiment fallu de peu. En plus, je ne me souvenais pas exactement comment cela s'était fini. Je crois que j'ai perdu conscience mais je n'en étais plus tout à fait sûre...

Le problème de Dreamland, c'était de savoir où s'arrêtait la réalité et où commençait le rêve. Est-ce que tuer ici avait moins d'importance que dans notre monde éveillé ? Quand on offre un cadeau qui ne plaît pas, on dit souvent que "C'est l'intention qui compte". Et j'avais tendance à croire que c'était vrai pour à peu près tout. Qu'importait de passer à l'acte ou non, le fait de le vouloir suffisait.

-En revanche, ce n'est pas pour t'être réveillé avant que tu devrais t'excuser, lui dis-je plus raidement.

Je l'écoutais patiemment et lui fis également un autre câlin. Ma parole, un vrai drogué. Je souriais avant que mes lèvres ne s'affaissent.

-Dois-je te rappeler pourquoi j'ai dû utiliser deux phantasms ? Nan laisse-moi te rappeler plutôt pourquoi nous nous sommes battus contre des brutes ? Ou même pourquoi j'ai été impliquée dans tout ça ?

Et tout ça, en lui tapotant sèchement le sternum, avant de me mettre à compter sur mes doigts.

-Tout d'abord tu as failli tuer un type -Mika- dont la tête ne te revenait vraiment pas vu que tu t'es littéralement jeté sur lui en me jartant comme une mal propre ! Ensuite, je dois le réanimer parce que sinon son pote, Acmé, nous dézinguait tous les deux alors que je n'y étais pour rien ! Je continue avec le petit bain dans le lac qui te rend tes esprits et qui fait que tu t'excuses en faisant des yeux de cocker. Oh et le meilleur ! Le meilleur !

Je fais le V de la Victoire des deux mains.

-La cerise sur le McDo reste quand même qu'on a ensuite combattu aux côtés du mec qui était à deux doigts de nous dézinguer pour protéger son pote. On s'est farci, ou devrais-je dire... Ils -Surimiboy et Blond Ass- se sont farcis les deux "calamités" que nous sommes.

Je repris mon souffle.

-Alors, "excuse-moi" si j'ai jugé bon d'utiliser tous les moyens pour nous en sortir.

Je crus bon d'appuyer mon "excuse-moi" de doigts guillemets avant de reprendre la marche.

J'avais dit que je ne voulais pas en parler.

Je l'applaudis façon Judith dans le Visiteur du Futur.

-Ouaouh, c'est très mature. Déjà que j'ai passé une journée de merde, maintenant, c'est la nuit qui va être de merde. Génial , lui dis-je d'un ton charmant avant de continuer. Nan mais c'est bien le moment de se prendre la tête, je te rappelle que tu m'as refilé ta grippe à me faire des câlins mode "bisounours" tout le week-end aussi ! J'ai dû décommander le baby-sitting de cette semaine pour éviter de contaminer le petit ! Pas que ça me dérange, mais bon... Quand même !

Puis je constatais qu'il faisait la tête.

-Non mais ça va quoi ! On va pas se disputer alors qu'on a failli y rester ! Puis c'est con quoi ! On meurt pas vraiment, on redevient rêveur, c'tout ! Bon, j'avoue que c'est quand même que ça me ferait chier, mais d'un autre côté, je ne m'en souviendrai pas, donc.... Oh et puis tu m'énerves ! Viens me faire un câlin !

J'ouvris grand les bras dans l'attente de réception d'un peu de tendresse dans ce monde de brutasses.

*Que s'est-il passé ? Une attaque de bisounours en carence affective ? Non, ça ne colle pas avec le texte.
" Kanachouuuuuu " ça ne peut venir que d'une seule personne, surtout combiné à un méga câlin de la mort qui tue.*

Pixouchouuuu ! Moi aussi je suis contente de te voir !

*Essaie-t-elle de crier avec enthousiasme et avec ce qu'il lui reste d'oxygène, vu qu'elle a la tête prise dans les bras câlins de son Montpelliérain préféré.*

Je sortis mes doigts, bienheureuses boules quies de fortune, de mes oreilles dans un "plop" caractéristique. Je tapotais ensuite l'épaule de mon compagnon stentor.

-Pixouchou, si tu continues comme ça tu vas dévisser la tête de Kanachou, bien avant qu'elle n'étouffe d'ailleurs.

Je disais ça, je disais rien. C'est là que je réalisais que ma poupée me manquait. Terriblement. Et devoir faire sans... j'espérais juste ne pas avoir à me battre pour les proch.... CHUT ! T'es fou, ça pourrait porter malheur ! Ah oui, suis-je bête.

-Sinon, comment ça va depuis la dernière fois ?