Une tasse de thé, un arôme exquis. Une vue superbe dans un décors plutôt sobre pour une telle demeure. Gabriel se prélassait devant une bonne tasse de thé, sans se préoccuper des pièces de puzzles qui virevoltaient dans tout les sens. D'abord intrigué, il s'était rapidement détourné de cette source de distraction lorsqu'un vieil homme qui ne ressemblait pas à grande chose lui apporta une tasse de thé. En silence ils la dégustèrent, avec quelques gâteaux secs. Un plaisir simple, fin, et partagé. Comme une promesse de rédemption, et personne pour perturber ce moment calme.
Une tasse de thé.
Elle n'était même pas belle d'abord. Des motifs roses, et de la porcelaine. Assez grossière à première vu, moche au final. Il ne s'en plaignit pas, le thé était rattrapait ce manque de goût. Si le vieil homme qui avait la peau aussi bleu qu'un... eh bien qu'un... Peu importe, ce n'est pas la question. Le vent soufflait paisiblement, et ni l'un ni l'autre ne disait mot. Ni ne se regardait. Cela n'avait pas d'importance, on en dit long sur un « slurp » qu'avec des mots qui n'auraient ni queues ni tête. Gabriel sirotait toujours sa tasse de thé, le regard perdu au loin, parmi toutes ces pièces qui bougeaient dans tout les sens. Le vieux Schtroumpf possédait un sacré long bâton dont l’embout était assez gros pour faire mal quiconque tentait de se croire plus malin que lui. Celui ou celle qui se prenait ses coups de bâton devait avoir tellement de bosses qu'on pourrait la ou le confondre avec Quasimodo. Mais le vieil homme paraissait serein. Sans doute la présence d'un jeune homme calme et sans histoire y était pour quelque chose. Là où les rêveurs ne font que chahuter et créer des ennuis, Gabriel préférait ses rêves clames, où il pouvait être aussi paresseux que dans la vie réelle.
Une bonne tasse de thé.
Ce rêve était idéal. Une tasse de thé, un cadre idéal : un désert de puzzles qui s'écrasaient au sol sans aucun bruit. Pas d'oiseau ni même remous du vent. Le soleil qui restait éternellement rond et jaune. Tient, il n'y avait plus de thé.
Un café ?
Non merci, un thé.
Il n'y avait pas de café de toute manière, mais la question silencieuse lui afficha un sourire poli, et il lui tendit sa tasse moche. Il ne tint aucun mot, tout se passait dans le regard et dans les gestes.
Une autre tasse de thé.
Chaude, fumante, d'un arôme délicat. Gabriel l'approcha à ses lèvres comme on embrasse une Femme pour la première fois. De vives sensations écrasèrent son palais qui retrouvait le goût qu'il avait désiré. Une attente longue de dix secondes. Dix longues secondes durant lesquelles il avait attendit qu'il termine de verser le thé et de lui rendre sa tasse de thé.
Une tasse de thé.
Il pouvait la boire en paix. Comme le vieil homme qui venait de se resservir. Une nuit paisible, durant laquelle Gabriel pouvait enfin souffler. Un souffle timide, inaudible pour un humain, déjà une parole pour son hôte. Comme un murmure, avec son regard, il dessina un remerciement.
Ce thé était délicieux.
Il l'était, maintenant il ne l'est plus.