par Krasghârn » 22 Mai 2016, 17:52
-Bienvenue chez moi Voyageur. Je m'appelle Brigitte, je suis le Lord chargée de protéger cet endroit. Pour pouvoir rentrer dans la ville, tu devras réussir une épreuve... Cette épreuve est basée sur l'art.
*Je souris à la chatte. Comme à mon habitude j'étais sympathique envers ceux qui n'essayaient pas de me tuer.*
-Salut à vous, Brigitte, je m'appelle Krasghârn. Enchanté.
-Utilise ce que bon te semble et crée quelque chose qui saura animer quelque chose chez moi et tu auras réussi.
-Okay ! Bah je vais faire de mon mieux pour vous satisfaire !
-Mais du coup, je fais quoi ? Je suis pas particulièrement un artiste, moi. Je suis surtout venu là parce que c'est le temple qui me désavantage le moins.
Ou alors j'y vais à la Soulages, je peins une toile tout en noir puis je fais un speech sur le vide de l'existence en mode artiste-maudit-que-la-vie-c'est-trop-triste-parce-qu'on-a-pas-de-but-oulalalala-je-pleure ?
*Je réfléchis alors à ce que Brigitte venait de dire.*
-Animer quelque-chose en elle ? Mon pouvoir pourrait faire ça. Mais le dernier lord que j'ai croisé a eu l'air de savoir quand j'utilisais mon pouvoir. C'est problématique si elle prend ça pour de la triche.
Du coup, comment on touche quelqu'un dont on sait rien ? Boarf, puisque je suis une quiche manuellement, on va rester dans le texte. Le plus bateau serait de coucher ce que j'ai en moi sur le papier, la démarche artistique de base, quoi... On tombe dans les clichés... Mais en même temps, je pourrai pas faire de l'art, ça, c'est clair. Faut que j'arrive à toucher sans. Il me faut de la violence, des émotions puissantes...
Wait.
Mon pouvoir, en fait, il peut marcher, là, nan ?
*J'eus un petit sourire à l'idée de la stupidité à laquelle je venais de penser.*
-Allez, au pire, je fais une connerie qui me coûte la vie. Rien à craindre, donc !
*Je me saisis d'une feuille et d'un stylo. Je posai la pointe du stylo sur la feuille, puis je fermai les yeux. Je pris une longue inspiration.*
-Ca peut pas être pire que de la Poliakov...
*Alors, je rouvris les yeux et utilisai mon pouvoir pour éplucher ma propre boule. Bien-sûr, je le fis à des endroits très précis, et en limitant la taille des brèches. Je savais où se trouvait ce que je voulais faire sortir.
De long filaments noirs s'échappèrent alors pour venir faire agir ma main. Elle commença à déverser des flots de mon être le plus profond sur le papier. Sans le savoir, j'écrivais la suite d' une déclaration de guerre commencée il y avait longtemps, dans la même pièce.
-C'est grisant, putain !
*En effet, je sentais tout ça se répandre petit-à-petit. C'était une sensation exquise que celle de libérer ce que j'enfouissais quotidiennement. Petit-à-petit, néanmoins, je glissai sans m'en rendre compte. Les trous s'écartaient lentement, grossissaient, laissaient passer de plus en plus de données.
Soudain, les feuilles se firent encombrantes, le stylo trop lent. Je les jetai alors loin de moi; le stylo alla se fracasser contre un mur proche tandis que les feuilles pleuvaient autour de moi.
Ma voix retentit alors dans cette pièce autrement silencieuse.*
-Je suis revenu du tombeau pour anihiler la morale
Pour enlaidir ce qui est beau, mélanger le bien et le mal,
Contrer la stigmatisation de tout ce qui n'est pas "normal",
Pour, enfin, rappeler à l'homme qu'il n'est au fond qu'un animal.
*Ma voix, contrairement à mes mots, était calme, posée, malgré une amertume évidente dans mon ton. Je n'étais pas en crise, ce n'était pas la rage qui parlait. C'était bien moi.*
-Ils parleront a satiété de "nécessité structurelle",
Le ciment d'une société dont les doxas sont la truelle;
Ils sont convaincus qu'elle rend ce triste monde moins cruel
Alors que la mort les attend au détour de chaque ruelle.
J'en avais autrefois le rêve, j'en ai désormais le pouvoir;
Il est grand temps que l'abcès crève, que son pus puisse se mouvoir.
Contre eux je brandirai le glaive, contre leur morale un fendoir,
Ils me supplieront une trêve; à genoux, ces sales couards !
*Je vomissais mon texte comme si je l'avais toujours connu. Un sourire moqueur se dessina sur mon visage alors que mes yeux contemplaient un tableau posé dans un coin. Une bataille grandiose entre des chats et une armée de géants de glace.*
-Mais je ne saurai leur offrir la pitié qu'ils imploreront;
Les âmes qu'ils ont fait souffrir depuis toujours se vengeront
Leurs corps sans vie pourront pourrir, piétinés comme des pucerons
Ou à l'avant de nos navires empalés sur leurs éperons.
*Là, mon regard se fixa sur une fenêtre, en haut du mur auquel je faisais face.*
-Et quand des tornades de feu embraseront le firmament
Le ciel s'effondrera sur eux, sur leurs proches, sur leurs amants;
Plus aucun de ces pathétiques êtres ne vivra décemment;
Voilà mon texte prophétique, voilà mon nouveau testament !
*A ma droite, un bloc de pierre blanche qui semblait avoir subi le morsure du feu, et qui avait à peine commencé à être dégrossie. Sans savoir pourquoi, et tout en parlant, j'entrepris d'y grimper. Une chaise posée juste à côté me le permit sans difficulté.*
-Leurs axiomatiques absconses ? Détruites par la dialectique
De ceux qui cherchent des réponses. Quant à ces misérables tiques
Le sort qu'elles subiront ferait détaler un tétraplégique,
Même sa simple vue rendrait insomniaque un narcoleptique.
*Je me tenais à présent accroupi sur ce bloc, occupant sans le savoir la même position que j'avais tenu plus d'un an auparavant, regardant la chatte dans les yeux.*
-Le futur de l'Humanité résidera dans sa puissance,
Et dans sa rationalité. Nous verrons enfin la naissance
De cet être au-delà de l'homme, fort de sa désobéissance
Affranchi des règles et normes, salutaire, notre quintessence.
*Mes brèches avaient commencé à se refermer, et mes sensations commençaient à s'éteindre en moi. Le bouillonnement intérieur diminuait petit-à-petit, mais j'étais lancé. Aussi continuai-je :*
-Mais le chemin est encore long, plus long que je ne l'anticipe
Probablement; et ses jalons des illusions : pas les principes
Qu'on nous a toujours présenté comme la direction à suivre
Mais qui nous ont désorientés, et rendu vain le fait de vivre.
*Je glissai mes mains dans mes poches, l'air sûr de moi, mon regard fixé dans celui de Brigitte. C'était sur un ton froid que je terminerai de déclamer :*
-Il faut retrouver à présent la direction du progrès,
Laisser là les poids écrasants des angoisses et des regrets
Ceux qui joueront les empêcheurs seront contournés à la craie;
La perfection est une fleur, leurs cadavres seront l'engrais.
*Mon esprit était à présent aussi fermé que quand j'étais entré dans cette pièce. Du haut de mon piédestal, je mis mes mains dans mes poches et attendis le verdict.*