Musique*Krasghârn répond à Arka. il sait que ce dernier va le tuer, et, à vrai-dire, il s'en fiche. Royalement.
Il est condamné, il le sait. Les déterministes diraient "depuis sa naissance", et même avant, les autres diraient "depuis son entrée dans la forêt. Dans sa tête, tout n'est que résignation. Tout n'a toujours été que résignation. Il n'était pas fait pour être puissant. Il n'était pas fait pour être un autre. Il a été, est et sera toujours cloué à sa condition d'humain, mortel, faible, commun. Même en temps que voyageur, il n'aurait pas pu atteindre des sommets. Il voulait juste être libre, hors du carcan sociétal. Mais c'était désormais impossible.
Le vk, lui semble s'ennuyer. En Krasghârn, un conflit se joue. Entre trois engeances. Celle de l'araignée, la partie de Krasghârn qui est prête à mourir, et l'infime étincelle qui n'aspire qu'à vivre.*
-Nan mais oh ! Tu me demandes, je te réponds, dumbass.*Il voit Mace s'approcher par l'intermédiaire d'Arka.*
-SOS suicide j'écoute...*Mais lorsque l'invocateur parle, c'est à l'unisson avec le vk.*
-<3-<3*Puis c'est au tour d'At' de se la jouer héros, en sauvant l'ombre. Mais il échoue, lamentablement, et s'évanouit, sombrant dans un sommeil secondaire.*
-</3-</3-J'ai été dans sa tête, il va vouloir t'affronter quand-même. Les jeunes...*Il sent la mort se former dans une de ses consciences. Une main qui tourne, une tête qui pivote, et un corps qui ne suit pas. La pression s'affermit sur son crâne.
On dit qu'on revoit sa vie défiler devant ses yeux, quand on meurt. C'est faux. Krasghârn ne voit que des sentiments mêles de peine, d'amertume, de souffrance, de haine, des regrets et des rires, du soulagement, aussi. Le pragmatisme l'emporte néanmoins.*
-Il me reste trois secondes.*La fraction qui veut vivre se fait entendre. D'un ton désespéré, subjuguée par la terreur, elle parle.*
-Deux secondes.*Une chance infime se laisse entrevoir. Les autres parties l'écoutent. Seul Arka n'a pas sa part dans les débats.*
-Une seconde.*Krasghârn tente ce qui ressemble fort à un réflexe désespéré, qui est en-fait, avec un réveil, incontrôlable, sa seule chance de survie. La partie résignée n'a pas vu d'inconvénient à essayer de vivre.
Il dissocie son corps de sa poupée. La fusion implique deux corps occupant un même espace. La rupture implique qu'un espace autrefois vide soit soudain occupé par un corps, puisque un seul corps devient deux. Il semble n'y avoir aucune raison pour que ce soit la poupée qui soit éjectée plutôt que lui.
Une autre hypothèse est que pour libérer ou absorber la poupée, il y ait un temps d’inconsistance de son corps, qui bien que d'une fraction de seconde, pourrait permettre à sa tête de ne pas subir l'emprise d'Arka ors de la mise à mort.
Il invoque donc la poupée là où il est, dans la main d'Arka. S'il a de la chance, la poupée sera fracassée. Sinon, Krasghârn connaîtra
les méandres du néant.Dans ce second cas, il voit soudain ce qui est derrière lui. Même s'il s'y attendait, c'est déroutant. Il ne sent plus son corps, qui s'effondre comme une poupée de chiffon.*
-Tiens, qu'est-ce qu'il m'arrive ?*Il réalise. Le déni ne le quitte que suffisamment pour qu'il comprenne, mais il ne veut pas y croire.*
-Mais, je veux pas mourir, moi !*Il veut remettre sa tête droite avec ses mains, mais elles ne lui obéissent plus. Son corps n'est plus à lui.
Son corps. Son pire ennemi. La marque la plus flagrante de sa faiblesse, de la faiblesse. Jamais l’Homme n’a trouvé pire ennemi que son corps, fragile, mortel, presque inutile ; sa limite, la porte d’entrée aux pires infamies : la maladie, la folie, la Mort. En un mot : la Décadence.
Cette décadence, on peut la voir dans nombres d’œuvres, littéraires, cinématographiques… De Sméagol à Claudius, en passant par Néron ou Anakin, les exemples sont si indénombrables que cette décadence est devenue partie intégrante de notre vie.
Par décadence, Roman entend perte du contrôle de soi : la maladie, la folie, la Mort. Être paralysé physiquement, passe encore. Une interface n’est pas nécessaire pour exister. Un ordinateur n’a pas besoin d’écran pour être ce qu’il est. Mais quand le somatique agit sur l’intelligible, sur l’essence même de l’être, c’est ce qui effraie réellement Roman. Ce qui le tétanise. Ne plus avoir cette conscience qui lui permette de penser, de s’évader… Roman a peur de ce double décadent de lui-même, de celui qui, peut-être, un jour, le remplacera aux commandes, qu’il soit malade, fou, ou Mort.
La boucle est bouclée. Les pensées qui le firent devenir voyageur s'appliquent dans les actes qui le privent de cette nature. Son corps, celui qu'il a toujours haï sera sa perte.*
-Non ! Pourquoi ?*La tête dans le sable, il sent ses forces le quitter.*
-C'était qu'un jeu, bordel ! UN JEU ! POURQUOI IL FAUT QUE ÇA FINISSE TOUJOURS COMME ÇA ?*Il voit l'avenir s'effacer devant lui. Mais seules les illusions s'effacent. Et ce qui est illusion a toujours été illusion. Il suffoque, mais ne le sent pas. Son corps souffre, mais son esprit ne s'en rend pas compte. Des larmes couleraient sur ses joues si elles le pouvaient.*
-Ça devait pas finir comme ça. C'est injuste. Tout ce qui m'attend là-bas est un monde qui ne me comprend pas.
Bon, tant-pis.*Tout ce qui sort de sa gorge est un gargouillement inaudible, fruit de ses cordes vocales déchirées. Le sable sera le seul témoin de sa mort. Le seul qui pourra déclamer :*
“Now cracks a tormented heart. Good-night, sweet prince;
And flights of angels sing thee to thy rest. ”
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*Roman se réveille, un goût amer dans la bouche. C'est comme s'il avait perdu une partie de lui-même.*